Chef d’œuvre de la peinture maniériste de la Renaissance italienne, l’Allégorie de l’Amour fut conçue comme une énigme pleine de symboles.
Remarquable par son esthétique précieuse tout autant que par son grand format, ce tableau peint par le florentin Bronzino était sans doute dédié à François Ier, fort épris de l’art italien.
Au centre du tableau, Vénus dénudée attire tous les regards. On peut la reconnaître à la pomme d’or qu’elle tient dans la main gauche et qu’elle obtint de Paris dans le concours de beauté qui l’opposa à Athéna et Héra. Elle est sensuellement enlacée par Cupidon à qui elle tente de retirer sa flèche alors que ce dernier essaie, de son côté, de lui ôter son diadème, suggérant ainsi que les amants essaient de s’abuser l’un l’autre dans les jeux de l’amour. Le pied de Cupidon repose sur une colombe, symbole de Vénus.
A droite du couple formé par Vénus et Cupidon, un petit amour répand des pétales de rose, sans se soucier de l’épine qui lui traverse le pied droit. Il symbolise le plaisir qui accompagne l’amour sensuel insensible à la douleur. Derrière lui se trouve une femme chimérique, au doux visage mais au bas de serpent avec des pattes de lion. Elle porte du miel dans une main et dissimule le dard de sa queue de l’autre, incarnant la tromperie qui se cache derrière les joies de l’amour : les bas instincts sont camouflés derrière une image avenante. Cette symbolique est renforcée par les deux masques qui se trouvent à ses pieds.
De l’autre côté du couple, un homme se tient la tête en criant de désespoir. Il représente les affections qui naissent de l’amour, soit psychologiques, comme la jalousie, soit physiques, dans ce cas sans doute la syphilis, maladie du Nouveau Monde, qui avait probablement fait son entrée en Europe et pris des proportions endémiques au XVIe siècle.
Ainsi le plaisir de l’amour sensuel masque la douleur et est suivi du mensonge, dans le sens où l’on ne veut pas voir ce qui nous déplait en l’autre, ni montrer ce que nous sommes en réalité, pris par les jeux de la séduction qui nous entraînent dans l’erreur et la fausseté.
En haut à gauche, un visage dénué de tête tente de tirer un voile bleu, comme un simulacre de ciel, sur le fond du tableau. Il symbolise l’oubli. Mais il en est empêché par un homme barbu et irrité qui se trouve en haut à droite du tableau et porte un sablier sur son épaule. C’est Saturne, le dieu du temps qui signifie que le temps dévoile tout ce qui est caché et mettra la vérité à jour, nous permettant de recouvrer la mémoire, abusée par la tromperie des sens.
Dans cette composition sophistiquée, Bronzino reprend un thème cher aux humanistes, celui de l’amour sensuel incarné par la Vénus terrestre, une illusion des sens, qui s’oppose en tous points à l’amour céleste, celui des vertus et des joies spirituelles, le véritable moteur du philosophe.Allégorie de l’Amour, Bronzino, vers 1540-1550, 146 cm x 116 cm, huile sur bois, National Gallery, Londres
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article rédigé par Isabelle Ohmann - isabelle.ohmann.over-blog.com