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  • : Le blog de Isabelle OHMANN
  • : Articles sur l'histoire, la philosophie, l'art de différentes civilisations
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Isabelle Ohmann vous présente ce blog culturel pour partager avec vous le fruit de ses recherches.
Elle anime depuis 25 ans des activités culturelles, conférences, stages et séminaires sur des sujets ayant trait à l'histoire, la philosophie et l'art.
Elle intervient dans de nombreuses associations et apporte sa contribution à différentes publications.
Elle anime des voyages culturels vers différentes destinations (voir rubrique spécifique dans ce site).
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Voyages culturels

Isabelle Ohmann accompagne différents voyages culturels :

Florence des Médicis du 20 au 24 février 2010

Pérou, sur les traces des Incas du 2 au 13 avril 2010

Prague, ville magique du 23 au 27 octobre 2010

Pour plus dinformations, consultez les pages de ce blog
27 novembre 2009 5 27 /11 /novembre /2009 22:26
Jésus enseignant - sarcophage paléochrétien

Jésus enseignant - sarcophage paléochrétien

 Il est rare qu'une découverte biblique fasse la une des journaux. C'est pourtant le cas avec cet évangile perdu, «l'évangile de Judas», sans doute la plus importante découverte archéologique des soixante dernières années dans le domaine du christianisme primitif.

Avec la découverte des écrits gnostiques de Nag Hammadi en 1945, le monde a pris connaissance d?un pan oublié des premiers temps du christianisme : celui des gnostiques. Leurs évangiles, découverts dans une jarre, consignaient des enseignements de Jésus très différents de ceux du Nouveau Testament. Ils permirent de reconstituer une vision du monde du christianisme primitif que l'on ne connaissait jusqu'alors que par leurs détracteurs, l'essentiel des textes ayant été détruits à cause de leur caractère hérétique.

 

C'est également le cas de cet évangile de Judas, exemplaire unique enfin mis au jour après une rocambolesque et désastreuse épopée qui endommagea gravement ce papyrus découvert dans les années 70. Daté du IIe siècle (Irénée le mentionne en 180), ce texte a été découvert dans sa version copte du IIIe ou IVe siècle. Il bouleverse profondément notre vision du christianisme primitif, en mettant en scène un personnage traditionnellement maudit, Judas.

Les gnostiques

Cet évangile de Judas s'inscrit directement dans le corpus des écrits gnostiques chrétiens. Le terme «gnostique» vient du grec, gnôsis, qui signifie «connaissance». Ainsi, les gnostiques placent leur salut dans la connaissance et non dans la foi. Il s'agit pour eux de connaître à la fois la réalité du monde et leur propre identité. Car pour les gnostiques, ce monde ici-bas n?est pas notre véritable demeure. Nous y sommes emprisonnés dans des corps de chair et devons trouver les moyens de nous en libérer. C'est cette connaissance, dont le Christ est porteur, qui pourra les délivrer. C?'est aussi dans ce cadre que s'inscrit l'acte de Judas.

Judas, l'ami de Jésus

Ici, Judas n'est pas le traître corrompu et inspiré par le diable qui trahit son maître, celui traditionnellement vilipendé par les évangiles canoniques. Au contraire, il est l'intime de Jésus, celui qui l'a compris mieux que quiconque et celui à qui sont adressés ses enseignements «secrets». Jésus l'invite : «Viens que je t'instruise des choses cachées que nul n'a jamais vues.» Si Judas livre Jésus aux autorités, ce n'est pas par trahison, mais par obéissance. Car l?évangile perdu révèle que Jésus demande à Judas de délivrer son esprit pour regagner sa demeure céleste. Jésus lui déclare dans l'évangile «Mais toi, tu les surpasseras tous ! Car tu sacrifieras l'homme qui me sert d?enveloppe charnelle !». Appelé par Jésus «le treizième esprit», Judas est investi d'une mission : celle de livrer Jésus. Il accomplira le sacrifice suprême. Pour cela, son sort sera double comme le lui révèle Jésus : «tu deviendras le treizième et tu seras maudit par les autres générations» mais en même temps «tu règneras sur elles», car «l'étoile qui est en tête de leur cortège est ton étoile». Car, reprenant la tradition platonicienne du Timée, Jésus enseigne que chaque homme a son étoile.

Le dieu inférieur

Selon les gnostiques, le dieu qui a créé ce monde n'est pas le vrai dieu, ineffable, véritable «Grand Esprit invisible» qui sous-tend toute manifestation, sans aucun attribut matériel et totalement retranché du monde. C'est un dieu (éon) inférieur et ses acolytes qui ont créé ce monde-ci, parmi lesquels Saklas, le dieu dépourvu de sens, qui fait les humains à son image.

«Ils en ont fait un piège destiné à tenir en captivité les étincelles divines qu'ils avaient capturées, avec comme dessein de les placer à l'intérieur des corps humains.» (1) Ces étincelles divines sont par nature immortelles et étrangères à ce monde de corruption.

Autrement dit, le dieu de l'Ancien Testament, auteur de la Création, est vu comme une déité secondaire et subalterne. C'est ainsi que l'évangile de Judas révèle que ceux qui continuent à vénérer ce dieu se fourvoient et ne connaîtront pas la délivrance. Et il désigne les douze apôtres comme des «ministres de l'égarement». Seul Judas est considéré digne de recevoir les enseignements du Christ, la révélation de la véritable religion.

La connaissance secrète

Le salut ne vient donc pas de la vénération du Dieu de ce monde ou par l'acceptation de sa création, mais, bien au contraire, par la négation de ce monde et le rejet du corps qui nous y attache. Le salut ne vient pas non plus par la mort et la résurrection de Jésus, mais par la révélation de la connaissance secrète qu'il prodigue. «La résurrection d'un corps ramène la personne dans le monde du créateur. Puisqu'il s'agit de permettre à l'âme de laisser ce monde derrière elle et d'entrer dans "cette génération grande et sainte" - à savoir le divin royaume qui transcende ce monde ? une résurrection du corps est la dernière chose que Jésus, ou n?importe lequel de ses vrais compagnons pourrait souhaiter.» (1)

L'esprit divin

Car pour se délivrer, il est nécessaire de recevoir une révélation sur notre origine divine et les moyens de la rejoindre. «Selon cette conception, le Christ n'était pas un simple mortel délivrant de sages enseignements religieux. Pas plus qu'il n'était le fils du dieu créateur, le Dieu de l'Ancien Testament.» (1) Le Christ est vu comme un éon, une sorte de dieu, ayant pris des dehors humains, ou bien un être divin venu d'en haut pour être temporairement hébergé dans un homme appelé Jésus. Selon cette conception, l'esprit divin aurait quitté le corps de Jésus sur la croix, ce qui justifierait l'exclamation «Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ?» Jésus est un être docétique, c'est-à-dire une apparence, dont de nombreux évangiles apocryphes nous disent qu?il pouvait prendre la forme qu'il voulait.

Le maudit

Dans l'évangile, Judas a une vision de sa destinée. Il se voit lapidé à mort par les autres apôtres et voit ensuite une belle maison où il veut entrer car «c'est un lieu réservé aux saints». Jésus lui fait comprendre qu'il ne peut entrer dans ce divin royaume qu'à condition de s'être libéré de sa chair mortelle. Car il y a un monde ici-bas et un royaume divin au-delà de ce monde, auquel il accèdera quand il aura atteint le salut fondé sur la connaissance secrète révélée par Jésus.

Le texte nous dit à la fin que le voeu de Judas est exaucé : il pénètre la «nuée lumineuse» qui dans l'Évangile représente le monde du vrai Dieu et de ses éons.

 

«Sachant que Judas réfléchissait encore au reste des réalités sublimes, Jésus lui dit : «Sépare-toi des autres et je te dirai les mystères du Royaume. Il te sera possible d'y parvenir mais au prix de maintes afflictions. Car un autre prendra ta place, afin que les douze [disciples] puissent se retrouver au complet avec leur dieu.»

L'Évangile de Judas, Flammarion, 2006

 

(1) Bart D. Erhman, le christianisme mis sens dessus dessous : l'Évangile de Judas une autre vision, in L'Evangile de Judas, Flammarion, 2006

 



Vous pouvez librement citer ou copier cet article en mentionnant :
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27 novembre 2009 5 27 /11 /novembre /2009 21:45
Le jugement dernier Par Rogier van der Weyden Hospices de Beaune 1450 — Web Gallery of Art:   Image  Info about artwork, Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=15466653

Le jugement dernier Par Rogier van der Weyden Hospices de Beaune 1450 — Web Gallery of Art:   Image  Info about artwork, Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=15466653

L’Archange saint Michel fut le patron de la France de Louis XI jusqu’au XVIIe siècle. L’abbaye du Mont Saint Michel est le plus haut lieu de culte de cet archange.

 

L’archange guerrier

Mika-el, « celui qui est comme Dieu », est figuré dans l’Apocalypse comme celui qui combat le dragon, personnification de Satan et du Mal.

L’armure et la lance (ou l’épée) rappellent que saint Michel est le grand chef des milices célestes. Il est le conducteur des armées angéliques, destinées à triompher de l’erreur spirituelle née du schisme de Satan et des anges rebelles ayant suivi Lucifer dans sa chute. Il doit lutter et vaincre le dragon, symbole de la maîtrise de la matière obscure. Ce combat permettra de faire jaillir la lumière de l’esprit, comme une nouvelle naissance à soi-même, tel l’enfant qui sort des limbes où il était retenu par le dragon, comme on le voit sur le porche occidental de Notre-Dame de Paris. A ce titre saint Michel devient le saint patron de la chevalerie, comme le rappellera l’ordre chevaleresque éponyme, créé par le roi Louis XI.

 

Saint Michel et Mercure

 

La balance rappelle que la fête du saint est le vingt neuf septembre, juste après l’équinoxe d’Automne, dans le signe zodiacal de la Balance. Mais la balance évoque aussi la balance de justice servant à la pesée des âmes et associe l’archange au jugement dernier. Elle rappelle les anciennes traditions égyptiennes de la psychostasie, où l’âme du défunt est pesée sur une balance face à une plume. Cette scène est traditionnellement présidée par Thot, l’Hermès égyptien et le Mercure romain, dont saint Michel est le continuateur, comme le montrent les nombreuses superpositions entre les lieux de culte du dieu romain et de l’archange chrétien, tels Saint-Michel Mont Mercure, ou Saint-Michel de l’Herme.

La relation de Saint Michel avec Hermès Mercure est renforcée par son appellation. Le nom de l’archange Saint Michel dérive de Michaël, qui peut aussi se lire Alchimie. Dans cette clé, l’arme blanche représente le sel, le dragon le souffre et l’armure le mercure.

Tel son prédécesseur, Michel est un intermédiaire. Il est présenté comme l’intercesseur auprès du Seigneur, archistratège de Dieu, capable d’obtenir pour le croyant ce qui est utile à son âme et la grâce du salut.

 

Ainsi l’épée et la balance superposent les fonctions chevaleresque et judiciaire, affirmant l’archange comme l’agent de la justice divine.

On attribuera à saint Michel par la suite, la faculté de déterminer le nombre de messes pour le salut de l’âme et sa fête sera considérée comme un jour de repos pour les âmes du Purgatoire.



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27 novembre 2009 5 27 /11 /novembre /2009 21:39
manuscrit de la mer Morte consultable en ligne

manuscrit de la mer Morte consultable en ligne

La découverte entre 1947 des manuscrits de la mer Morte a permis de jeter un regard nouveau sur le contexte des origines du christianisme. De récentes hypothèses identifient la communauté de Qumrân, dont les manuscrits révèlent les croyances et les pratiques, avec les Esséniens. Ils seraient un trait d’union entre le judaïsme et le christianisme primitif.

 

 

 

Texte

Une découverte exceptionnelle 

C’est entre 1947 et 1956, que des bédouins découvrirent dans les falaises de Qumrân (Cisjordanie près de la mer Morte) un ensemble de neuf cents manuscrits, recouvrant deux cents trente œuvres différentes. Datés entre le début du IIe siècle av J.-C. et la fin du Ier siècle après J.-C., ces manuscrits auraient été cachés en 68 ap J.-C. date de la première révolte juive contre les Romains.

 

Des centaines de manuscrits

Sur les neuf centres textes découverts, plus de quatre vingt dix pour cents étaient écrits en hébreux. Un quart étaient des copies de livres du canon biblique, quarante pour cent des écrits intertestamentaires (Apocryphes de l’Ancien Testament : livre des Jubilés, Hénoch, Testament de Lévi, Testament de Nephtali, Apocryphe de la Genèse, Psaumes de Josué, Prière de Nabonide) et trente pour cent des écrits propres au groupe de Qumrân. Parmi eux, des commentaires des textes bibliques, le plus connu et conservé étant le Commentaire d’Habacuc ; des textes légaux, prières et textes liturgiques (Hymnes d’action de grâce) ; des Codes disciplinaires ou rituels : (la Règle de la Communauté, le Règlement de la Guerre des Fils de Lumière contre les Fils de Ténèbres, l’Ecrit de Damas et le Rouleau du Temple) ;  des textes relatant l’histoire de la communauté et des écrits divers. On y découvrit également deux rouleaux de cuivre portant une  liste de trésors et leur emplacement.

 

Un monastère antique

Les fouilles archéologiques menées à proximité des grottes de Qumrân allaient révéler un site déjà occupé au VIIe siècle av J.-C., qui, après une période d’abandon, connut une forte croissance dans les années 100 av. J.-C., date probable de l’installation d’une communauté sur les lieux. On y trouva un système hydraulique qui alimentait plusieurs citernes et bassins, ainsi qu’un cimetière de mille deux cents tombes (uniquement masculines). Après une occupation irrégulière, le site aurait été abandonné en 68 apr J.-C. et les bâtiments incendiés par les Romains.

 

Une communauté initiatique

Les manuscrits trouvés sur place nous révèlent l’existence d’une communauté religieuse très organisée et à caractère initiatique. Dans un cadre strictement hiérarchisé, les prescriptions s’attachent à l’importance du maintien de la pureté morale et rituelle des membres et au respect des enseignements et des rites de la communauté, marqués par un fort légalisme et mysticisme. L’accès à la communauté est réservé à ceux qui ont suivi un strict parcours d’admission, sur plusieurs années, et les transgressions des us et coutumes sont sévèrement réglementées et punies. Les enseignements sont considérés comme secrets, fruit de la révélation des mystères. L’accent est mis sur le mépris des richesses et des sens.

 

Un dualisme

Dieu responsable du bien et du mal a disposé en chaque homme un esprit de vérité et un esprit de perversion. Les hommes chez qui prédomine l’esprit de vérité marchent vers le bien sous l’égide du Prince des Lumières. Ceux chez qui prédomine l’esprit de perversion marchent avec l’Ange des ténèbres dans les voies du mal. Une lutte sans merci oppose les deux esprits à la fois au niveau cosmique et au niveau de chaque individu. Cependant chaque individu est dans un camp ou l’autre, et ce depuis les origines des temps.

 

Un  messianisme

On trouve également dans les textes de la communauté la notion de prédestination et la nécessité de la grâce divine pour le salut individuel. La communauté de Qumrân se proclame dépositaire d’une nouvelle Alliance réservée à un petit nombre d’élus et leur triomphe prochain sur le mal et les impies. Cette espérance est nourrie par un  messianisme : l’attente prochaine d’un ou de deux Messies, l’un royal et l’autre sacerdotal.

 

Le Maître de Justice

Les manuscrits de Qumrân révèlent l’existence d’un guide de la communauté que les textes nomment Maître de Justice. Il se présente comme un prêtre, un prophète, un législateur qui a reçu le don de la connaissance, la révélation du sens caché des écritures. C’est un instructeur et un initiateur, le fondateur de la communauté au IIe siècle ou au tournant du Ier siècle avant J.-C.

 

Le judaïsme du Ier siècle

Les trois courants les plus influents du judaïsme de l’époque nous sont connus par Philon d’Alexandrie et Flavius Josèphe. Ce sont en premier lieu les Sadducéens, une aristocratie sacerdotale, exerçant une forte influence politique et attachée à l’interprétation littérale du texte biblique. Ensuite, les Pharisiens, un courant populaire, appréciés comme exacts interprètes de la Loi, et attachés à la pureté rituelle et au sabbat. Enfin, les Esséniens, dont la Nazaréens formaient une branche. Admirés pour leur grande piété et frugalité, ils vivaient en communautés fermées. Ils abandonnaient leurs biens au profit de la communauté et la plupart restaient célibataires. Ils se caractérisaient par une interprétation très stricte de la Loi mosaïque, surtout le sabbat et la pureté rituelle. Ils étaient réputés pour leurs dons  de prophétie et leurs connaissances médicales.

 

Qumrân et l’hypothèse des Esséniens

La communauté de Qumrân se nommait elle-même La Nouvelle Alliance au pays de Damas et ses membres les Sadoqites (à ne pas confondre avec Sadducéens) dans la lignée du prêtre Sadoq resté fidèle au roi David. De nombreux points les rapprochent des Esséniens : communauté fermée, célibat, intégration très sélective, bains et repas rituels, forte hiérarchie, croyance commune l’âme immortelle et la providence en toute chose, éthique intransigeante, etc. jusqu’à leur localisation géographique à Qumrân, attestée par Pline l’Ancien. Néanmoins, certaines divergences entre les écrits des Romains et les manuscrits de la Mer Morte inciteraient à voir dans les membres de Qumrân le versant le plus strict de l’essénisme. Tout cela ne reste toutefois qu’hypothèse.

 

 

Le christianisme primitif et les Esséniens

Les contacts sont historiquement et géographiquement possibles entre l’essénisme et le christianisme primitif. A cette époque les Esséniens existent en Syrie (Damas), Egypte (Alexandrie), peut-être en Asie Mineure. On sait par ailleurs que Jean-Baptiste baptisait dans le Jourdain, à côté de Qumrân et l’acte du baptême rejoint la purification par l’eau des membres de la communauté de Qumrân. De plus Jean-Baptiste vit dans le Désert, lieu désignant Qumrân dans les manuscrits. Il prépare la voie de Dieu et la fin des temps, comme à Qumrân. On sait qu’il combat les Pharisiens et Sadducéens et curieusement ne parle jamais des Esséniens. Mais à la différence de la communauté de Qumrân, il s’adresse à tous, baptise publiquement et annonce l’arrivée du Messie.

 

Jean l’Evangéliste

Si l’on croit pouvoir affirmer que les disciples de Jésus n’étaient pas des Esséniens, le cas de Jean l’Evangéliste reste incertain. Il fut disciple du Baptiste et l’on peut noter de fortes ressemblances entre l’Apocalypse et certains documents de Qumrân, notamment la Règle de la Guerre. De plus, l’Evangile de Jean construite sur le thème du conflit de la lumière et des ténèbres et beaucoup d’expressions semblables se retrouvent dans les textes de Qumrân (1).

 

Paul et l’église primitive

Avant sa conversion, Paul se définit comme un pharisien, mais beaucoup d’expressions de ses épîtres que l’on n’a jamais identifiées dans les textes classiques, se retrouvent dans les manuscrits de Qumrân. Il affirme, comme les manuscrits, que l’homme pécheur ne peut être justifié devant Dieu au jugement dernier que par la grâce divine. Il évoque le combat de la Lumière contre les Ténèbres. « Quel accord y a-t-il entre le Christ et Bélial » écrit-il, Bélial étant un nom figurant seulement dans les manuscrits de Qumrân. Enfin Paul associe les notions de « mystère », de « révélation » et de « connaissance » et témoigne d’une ascension céleste comme dans les manuscrits de Qumrân. Une hypothèse le fait rencontrer des Esséniens (convertis au christianisme par les Hellénistes ?) à Damas tout de suite après sa conversion, lieu où il aurait reçu sa première instruction (2).

 

L’énigme de Pâques

Cette proximité entre les deux groupes pourrait élucider un élément incongru lié au calendrier. Les Esséniens et le groupe de Qumrân utilisaient le calendrier solaire alors que le judaïsme officiel se servait du calendrier lunaire. Ceci expliquerait le problème des deux Pâques dans les Evangiles.  Selon le calendrier solaire Pâques était le mercredi, selon le calendrier lunaire le samedi. Ainsi, il est possible de situer à la fois la Cène la veille de Pâques le mardi soir (calendrier essénien), et la crucifixion également la veille de Pâques (calendrier officiel) le vendredi soir.

 

S’il est difficile d’affirmer la filiation entre l’Essénisme et le christianisme, il semble toutefois que les contacts entre les deux groupes furent dès le début très étroits. De là des ressemblances significatives entre l’Eglise primitive et les Esséniens. Il semble par ailleurs, que certains manuscrits écrits en grec sur papyrus trouvés à Qumrân (datés des années 50 ou 60) évoquent des textes du Nouveau Testament comme l’évangile de Marc et Actes des Apôtres. Mais les fragments étant infimes, cette hypothèse reste également difficile à vérifier.

C’est pourquoi de nombreuses interrogations demeurent dans l’attente de nouvelles découvertes qui fassent progresser notre connaissance du sujet.

 

 

(1)  voir l’ouvrage du cardinal Jean Danielou, Les manuscrits de la mer Morte, Editions de l’Orante, 1974
(2) voir dans ce blog l'article sur Saint Paul, le nazoréen

 

A lire

E.-M. Laperrousaz, Les manuscrits de la mer Morte, Coll Que Sais-je, Ed PUF, 1999

les manuscrits sont consultables sur internet :  http://dss.collections.imj.org.il/

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27 novembre 2009 5 27 /11 /novembre /2009 21:34

«Et il a dit : celui qui trouvera l’interprétation de ces paroles ne goûtera pas la mort.» Evangile de Thomas



Considéré comme un ésotérisme chrétien, le gnosticisme se développa dans l’Empire Romain entre le IIe et le IVe siècle de notre ère, mais fut vivement combattu dès l’origine par l’Eglise comme par les philosophes néoplatoniciens (1).

 

 

Texte

 

En tant que courant de pensée, le gnosticisme fut mal connu jusqu’à une date récente. Les savants et les érudits n’avaient en leur possession que trois grands traités gnostiques, soit un ensemble de sept textes, dont le plus célèbre, la Pistis Sophia (Codex de Londres), attribué à Valentin, et l’Evangile selon Marie [Madeleine]. Ces livres avaient en commun de contenir des paroles secrètes et des révélations de Jésus à ses disciples qui auraient été transmises après la résurrection. Les autres textes gnostiques connus n’étaient que des citations dans les réfutations polémiques des premiers défenseurs de l’Eglise qui cherchaient à en souligner le caractère hérétique.

 

La découverte de Nag Hammadi

La découverte dans une jarre, en 1945, de plus de cinquante traités coptes, à Nag Hammadi en Haute Egypte, non loin de Louxor, bouleversa la connaissance du gnosticisme. Ces traités, datant du IIe au IV e siècle, de nature très variée, comprenaient un ensemble de textes proprement gnostiques, à caractère interne ou non, parmi lesquels de nombreux textes apocryphes, dont le fameux Evangile de Thomas qui a suscité de nombreux commentaires. A ceci s’est ajouté la très récente publication d’un Evangile de Judas.

 

De multiples voies

Le mouvement des gnostiques comporte une multiplicité de tendances sur la vision de la vie et de la vérité spirituelle. Le premier chef d’école gnostique fut Simon le Mage, un Samaritain dont l’activité se situe environ vers 50 de notre ère. Parmi ses disciples figurent Ménandre et Saturnin. Les grands systèmes gnostiques apparaissent avec Basilide, actif à Alexandrie de 117 à 161, Marcion, un contemporain de Basilide, venu d’Asie Mineure à Rome et Valentin, actif à Alexandrie puis à Rome entre 140 et 165. Les formes plus tardives de la gnose sont mal connues et semble plus éclatées. On citera néanmoins Bardesane, actif à la cour d’Edesse et qui pourrait être un possible lien entre le gnosticisme historique et le manichéisme, religion fondée en Perse par Mani (215-276) (3).

 

Les vrais chrétiens

Ces vérités, parfois concurrentes, se sont affrontées pendant les premiers siècles de ce qu’on appelle aujourd’hui l’ère chrétienne, à une époque où le christianisme n’était qu’un mouvement parmi d’autres. Les gnostiques se nommaient simplement chrétiens, les vrais chrétiens. Selon eux, les évangiles gnostiques sont censés révéler le sens vrai, le secret des mystères relatifs au véritable devenir humain, que les gnostiques affirmaient détenir d’une tradition ininterrompue. D’après eux, ce trésor de lumière avait été confié oralement par le Sauveur à certains apôtres comme Jean, Thomas, ou transmis par révélation directe, comme dans le cas de Paul. Héritiers privilégiés de cette révélation spirituelle ils contestaient par conséquent la légitimité de la tradition apostolique sur laquelle se fondait l’Eglise chrétienne.

 

Le primat de la connaissance

Les gnostiques proposaient à leurs contemporains un chemin de transformation intérieure, conduisant à la Gnose, à la connaissance des «choses qui sont». Au sens large, un gnostique est un homme qui «sait». Le mot gnostique vient du grec gnosis, connaissance. Une connaissance qui porte sur Dieu et les réalités divines, et qui se présente non comme un savoir acquis, mais comme une révélation intérieure, permettant de saisir les secrets, les mystères et conduisant ainsi au salut. Le système gnostique se caractérise ainsi par une primauté de la connaissance sur tout autre moyen de salut : la loi, le rite, la foi ou l’adhésion à une religion organisée.

 

Le Christ Sauveur

Cette connaissance est la source du salut individuel. Elle est transmise par un sauveur, obtenue par une illumination, confirmée par un enseignement spécifique et garantie par une tradition secrète. Les gnostiques accordaient une place centrale à la figure du Christ en tant que Sauveur. Ils proposaient une interprétation symbolique et initiatique des récits fondateurs du christianisme. Pour eux, l’incarnation, la crucifixion et la résurrection sont des événements de l’âme, des processus intérieurs et non des faits historiques et matériels. Ils en arrivent ainsi logiquement à réfuter l’idée que le Christ soit véritablement mort sur la croix.

 

La création du monde

La réflexion gnostique porte essentiellement sur la question du mal. L’existence du mal dans la nature et dans l’homme, sous les formes de la violence, de la perversité ou du meurtre, témoigne selon eux de l’imperfection divine, des limites du dieu créateur. Pour les gnostiques, le monde ici-bas, imprégné du mal, naît d’une erreur, de la séparation de l’âme (Sophia) d’avec l’origine du monde. Son créateur ne saurait être identifié au Dieu véritable résidant dans le Plérôme, unité originelle indifférenciée, qui demeure un mystère loin de la création.

 

La naissance de l’homme

Les gnostiques proposent donc de distinguer le Dieu inconnaissable du créateur du monde, le démiurge, un dieu mauvais qu’ils associent au dieu de l’ancien Testament, le «dieu des juifs». Ainsi Jésus Sauveur est le fils du Dieu Bon ou véritable Dieu, Crestos, et non de Jéhovah comme l’affirme de façon erronée l’ancien Testament. Le démiurge, autrement dénommé Yaldabaoth, entouré de puissances néfastes, les archontes, donnera naissance à l’homme, un avorton qui recevra in extremis, une étincelle divine. Cette étincelle divine en l’homme peut être revivifiée chez certains, les « élus », les prédestinés, leur permettant de s’élever du monde de la matière jusqu’au monde divin des origines.

 

L’esprit de contrefaçon

Pour maintenir l’homme en esclavage et dans l’oubli de ses origines divines, le démiurge emploiera deux armes terribles : une enveloppe charnelle pour tenir l’âme captive et des apparences séduisantes pour le monde pour y enchaîner l’homme. Le monde ainsi conçu est dominé par «l’esprit de contrefaçon», une force maléfique qui, par le biais de l’apparence et le pouvoir de l’illusion, opère une inversion de valeurs et transforme la réalité en mensonge et le mensonge en réalité. Ainsi l’être humain, perdant tout repère, interprétera son ignorance comme une connaissance et n’essaiera pas de percer l’illusion de l’univers qui l’entoure. Le monde est donc un piège, le fruit d’un complot qui vise à empêcher l’homme de réaliser sa propre nature. L’homme y vit comme dans un rêve, un long cauchemar dont l’enseignement de la gnose visera à le réveiller.

 

Le Sauveur

C’est le Christ Sauveur qui permet à l’âme de remonter les sphères jusqu’à son origine. Par sa seule descente dans le monde, le Christ Sauveur a créé une brèche en traversant les sphères et en brisant le pouvoir des archontes. Il montrera le chemin par lequel l’âme pourra échapper aux archontes qui la gardent captive dans ce monde et se frayer passage dans des cieux surveillés par les puissances du mal. Pour cela, l’âme a besoin d’un bagage de connaissances et de techniques précises fondées sur le pouvoir magique de la parole (mots de passe, incantations, formules) et le pouvoir des signes (sceaux, symboles dont l’âme porte l’empreinte). Plotin accusera les gnostiques de verser dans une magie de bas étage, témoignant par là de certaines dérives. Mais par-dessus tout les bonnes réponses aux questions des archontes consistent pour l’âme en la proclamation de sa nature divine, fondée sur le rappel de ses origines.

 

La mystique nuptiale

Dans une autre clé, le Sauveur est identifié à l’esprit, le double de l’âme dont elle est séparée. Son rôle est de faire accéder l’âme à la connaissance. Quittant la vie de prostitution l’âme réintègre la chambre nuptiale, image du Plérôme. Libérée de l’esclavage des archontes, elle reconnaît l’époux dont elle avait oublié les traits. Ame et esprit se réunissent alors comme l’époux et l’épouse, dans une unité retrouvée. C’est la fin des pérégrinations douloureuses. L’union dans le mariage débouche sur l’androgynie qui répare la séparation entre les sexes, intervenue lors de la chute dans la matière. Dans cette mystique d’identification, l’un devient l’autre et l’autre devient l’un.

 

Une règle de vie

L’accès à la connaissance présuppose une discipline de vie faite de détachement et de renoncement. C’est pourquoi les textes gnostiques en appellent à la condamnation de la chair, du corps, du sexe, de la procréation, des liens familiaux, de l’argent comme autant de liens à un monde qui n’est qu’un cadavre, jusqu’à la solitude, détachement total de l’homme par rapport aux tentations du monde. Cette ascèse contraste étonnamment avec l’image qu’en ont laissé les hérésiologues : licence sexuelle, groupes de dépravés et débauchés pratiquant des abus de toutes sortes, de l’avortement jusqu’à l’anthropophagie.

 

Un malentendu historique

Cette description de leurs comportements n’est pas conforme à leur éthique qui laisse apparaître, bien au contraire, une tendance ascétique marquée. Faut-il penser que les prêtres et représentants de l’Eglise ont abusé sans retenue des outils de la calomnie pour détruire leurs adversaires d’autant mieux qu’ils leur semblaient plus redoutables ? Faut-il ajouter foi à une interprétation moderne, comme celle de Jacques Lacarrière (4) qui les décrit comme des Diogènes chrétiens, cherchant à se déconditionner par la transgression des lois et des tabous, ce qui légitimerait et accréditerait les abus cités par leurs détracteurs ? Ou, plus vraisemblablement, que certains groupes se soient laissés prendre par une interprétation matérielle des images spirituelles, ouvrant la porte à toutes les dérives telles que prostitution, union sexuelle contre nature ou encore infanticide. Quoi qu’il en soit, cela restera un mystère.

 

Une doctrine pour les élus

Mais la pierre d’achoppement est sans doute à chercher plus au fond de la doctrine gnostique. Réservé aux élus, ceux qui possèdent en eux suffisamment de part d’étincelle divine « de tous les temps », le gnosticisme n’est pas seulement élitiste : il ne conçoit pas l’idée du perfectionnement individuel. Il n’offre à l’homme qu’une tentative d’évasion d’un monde jugé néfaste. Plotin s’élève contre l’idée de la discontinuité de l’univers à cause de séparation de l’âme d’avec l’origine, en rappelant que la philosophie platonicienne conçoit la création de l’inférieur comme reflet du supérieur, par contemplation ; il souligne que le gnosticisme nie toute possibilité, à partir du monde sensible, de trouver le chemin de Dieu. Face au refus de la Beauté et à la dépréciation du monde sensible Plotin oppose une voie esthétique comme chemin de libération (1).

 

La postérité des gnostiques

Le gnosticisme disparaît semble-t-il au IVe siècle et ressurgit mâtiné de manichéisme chez les bogomiles bulgares puis les Cathares. Certains mouvements spirituels modernes s’inspireront de leur mythologie, et les auteurs de romans ésotériques à succès contribueront à rendre leurs idées populaires.

 

(1) voir Pierre Hadot, Plotin, Porphyre, études néoplatoniciennes, chapitre « Plotin et les gnostiques », Ed Les Belles Lettres, 1999 et Ennéade, II, 9, Plotin

(3) voir notre entretien dans la revue Acropolis n°180 avec François Favre, auteur de Mani, Christ d’Orient, Bouddha d’Occident, Ed du Septénaire

(4) Jacques Lacarrière, Les gnostiques, coll. Spiritualités vivantes, éd. Albin Michel, 1994

 

A LIRE

Ecrits gnostiques, la bibliothèque de Nag Hammadi, sous la direction de Jean-Pierre Mahé et Paul-Hubert Poirier, bibliothèque de la Pléïade, nrf 2008, 72,50 €

Enfin une édition exhaustive et richement documentée des manuscrits de Nag Hammadi, incluant également deux manuscrits de Berlin. Un document indispensable pour tous ceux qui veulent aller plus loin dans la connaissance du gnosticisme.

 

Madeleine Scopello, Les gnostiques, coll. Bref, Editions Cerf Fides, 1991

 



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27 novembre 2009 5 27 /11 /novembre /2009 21:31

« Qu’on nous regarde donc comme des serviteurs du Christ et des intendants des mystères de Dieu ». 1ère Epître aux Corinthiens, 4, 1

 

« Le premier homme, issu du sol, est terrestre, le second, lui vient du ciel. » 1ère Epître aux Corinthiens, 15, 47

Depuis près de 2000 ans le personnage de Paul de Tarse fascine. Quel fut le parcours spirituel de ce personnage que l’on considère comme l’édificateur du christianisme ?

 

 

Paul se présente comme issu d’une famille juive établie à Tarse, ville romaine de cultes à mystères.

 

Un nazôréen

 

Avant sa conversion, Paul se définissait lui-même comme «pharisien, fils de pharisiens» de la diaspora juive. Mais lorsqu’il est arrêté à Jérusalem, vers 56, puis transféré à Césarée devant le procurateur romain Félix pour y être jugé, Tertullius, l’avocat du Sanhédrin (la plus haute instance judiciaire et religieuse juive qui avait fait condamner Jésus) l’accuse : «C’est un meneur du parti des Nazôréens» (Actes 24, 5). La réponse de Paul est affirmative : «Je t’avoue pourtant ceci : c’est suivant la Voie, qualifiée par eux de parti que je sers le Dieu de mes pères.» (Actes 24, 14). Ainsi Paul reconnaît être Nazôréen.

 

Nazareth, un lieu symbolique ?

 

On pense souvent que «Jésus le Nazaréen» signifie «Jésus de Nazareth». Mais ce n’est là qu’une interpolation. Dans ses histoires, Flavius Josèphe mentionne quarante-cinq villes et villages de la Galilée – mais jamais Nazareth, qui est donc, tout au plus, un petit hameau, dont de surcroît Jésus n’est pas originaire, puisque né à Bethléem. De plus, l’étymologie ne permet pas de rapprocher le mot «nazôréen» du nom de la ville de Nazareth. «Nazôréen» semble venir de l’hébreu nazîr (abstinent, ermite) qui désigne un homme lié à Dieu par une promesse particulière (1). «NAZARÉEN, adj. et subst. (Hist. judaïq.) est un terme employé dans l’ancien Testament, pour signifier une personne distinguée et séparée des autres par quelque chose d’extraordinaire, comme par sa sainteté, par sa dignité, ou par des vœux. Il y avait de deux sortes de nazaréat ; l’un pour un temps, qui ne durait qu’un certain nombre de jours ; l’autre pour la vie.» (2) Si les premiers disciples de Jésus furent nommés Nazaréens ou Nazôréens, ce qualificatif ne signifiait donc pas une origine géographique, mais une orientation théologique.

 

Les nazôréens, une secte historique

 

Pline l’Ancien signale, au livre V de ses Histoires naturelles, l’existence de Nazôréens installés dans la province de Syrie vers les années soixante-dix avant notre ère. C’était une secte juive antérieure au Christ. Selon Simon Claude Mimouni (3), le terme de «Nazoréen» conviendrait pour la première communauté de Jérusalem, dirigée par Jacques le Juste. Les Nazôréens seraient devenus les premiers disciples de Jésus. Ils auraient été les représentants de la ligne du maintien des observances de la Torah, des «juifs chrétiens» en quelque sorte. Des attestations sporadiques font état de leur influence de guérisseurs chrétiens en Galilée vers la fin du Ier siècle, ce qui les rapprocherait des Esséniens. C’est ce que suggère l’hérésiologue chrétien Epiphane de Salamine (367-404) dans son Panarion : «seuls quelques rares Nazoréens doivent toujours exister en Egypte supérieure…, mais le reste des Osséens (Esséniens)… se sont associés aux Ebionites». Les Nazôréens devenus minoritaires dans la Grande Eglise s’y dissoudront probablement, mais pas avant le Ve siècle.

 

Un indice de plus

 

Vers 51, Paul se fit tondre la tête à Chencrées, la ville même où fut initié Apulée, l’auteur romain de l’âne d’Or. Le nazor ou nazîr, le voué à Dieu, comme on le lit dans l’Ancien Testament, porte les cheveux longs et «le rasoir ne passera pas sur sa tête.» (Nombres, 6, 5). Mais le candidat devait sacrifier ses cheveux lors du moment de l’initiation. «Voici le rituel du nazir, pour le jour où le temps de sa consécration est révolu (6,13)… le nazir rasera sa chevelure consacrée à l’entrée de la Tente du Rendez-vous… (6,18)» Les nazirs se rasaient la tête en laissant une « couronne » de cheveux, comme celle du «nouveau-né» ce qui avait une valeur symbolique. « Ceux qui faisaient le voeu de nazaréat hors de la Palestine, et qui ne pouvaient arriver au temple à la fin des jours de leur voeu, se contentaient de pratiquer les abstinences marquées par la loi, et de se couper les cheveux au lieu où ils se trouvaient, se réservant d’offrir leurs présents au temple par eux-mêmes, ou par d’autres, lorsqu’ils en auraient la commodité. C’est ainsi que saint Paul en usa à Unchée.» (2)

 

Un initié

 

«Le fait que Paul ait été initié, au moins partiellement, sinon complètement aux mystères théurgiques laisse peu de place au doute. Son langage, le style si caractéristique des philosophes grecs, certaines expressions employées seulement par des initiés constituent autant de signes à l’appui de cette supposition.» (4)

Dans les épîtres aux Corinthiens il emploie fréquemment des expressions suggérées par les initiations de Sabazius et d’Eleusis et par la lecture des philosophes grecs. Il se qualifie lui-même d’idiotes – une personne inhabile dans le verbe, mais non dans la Gnose. « Si je ne suis qu’un profane pour la parole, pour la science, c’est autre chose ; en tout et devant tous nous vous l’avons montré. » (II Corinthiens, 11, 6)

 

La sagesse des mystères

 

«C’est bien de sagesse que nous parlons parmi les parfaits, mais non d’une sagesse de ce monde ni des princes de ce monde... Ce dont nous parlons, au contraire, c’est d’une sagesse de Dieu (sagesse divine) mystérieuse, demeurant cachée…qu’aucun des princes de ce monde n’a connue.» (I Corinthiens, 2, 6-8) La sagesse dont parle l’apôtre fait référence aux enseignements que l’on dispensait dans les mystères au «parfaits» et qui restaient inconnus au profane.

 

La révélation

 

La troisième partie des rites sacrés des mystères portait le nom d’epopteia (révélation), état qui ne pouvait être atteint que par la libération de l’âme du corps. «Je connais un homme… qui…- était-ce en son corps ? je ne sais ; était-ce hors de son corps ? je ne sais, Dieu le sait – je sais qu’il fut ravi jusqu’au paradis et qu’il entendit des paroles ineffables qu’il n’est pas permis à un homme de redire.» dit encore Paul (II Corinthiens, 12, 2-5). Il semble bien décrire sa propre initiation et selon la coutume traditionnelle explique qu’il ne peut en révéler le secret.

 

Traces esséniennes chez saint Paul

 

Pour Jean Daniélou, le contact de Paul avec une secte de type essénien ne fait presque pas de doute : «sa pensée présente des caractères qui l’apparentent à celle des manuscrits de Qumrân» (5). Sa rencontre les Esséniens se serait faite à Damas où il reçut sa première instruction, tout de suite après sa conversion. S’agissait-il d’un groupe fraîchement converti au christianisme par les Hellénistes, peut-être un des groupes Nazôréens de Syrie cités par Pline ?

Quoiqu’il en soit, sa conversion sur le chemin de Damas, le transformant de Saül, le pharisien, en Paul, le chrétien reste encore l’image la plus forte d’un itinéraire spirituel qui passa très probablement aussi par les Nazôréens.

 

 

Note : toutes les citations bibliques sont extraites de « La Bible de Jérusalem », éditions du Cerf, 1981

(1) voir également Gérard MORDILLAT et Jérôme PRIEUR dans Jésus après Jésus, l’origine du christianisme, Paris, Le Seuil, 2004.

(2) Encyclopédie, ou Dictionnaire Raisonné des Sciences, des Arts et des Métiers de Diderot et d'Alembert sur http://portail.atilf.fr/encyclopedie/

(3) Simon-Claude Mimouni, Les chrétiens d'origine juive dans l'Antiquité, Éd. Albin Michel, coll. « Présence du judaïsme poche », 2004

(4) Helena P. Blavatsky, la Doctrine Secrète,  Editions Adyar, 1982, vol V, p 129

 (5) selon le cardinal Jean Daniélou, Les Manuscrits de la Mer Morte et les origines du christianisme, Editions de l’Orante, 1974, p 91.


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