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  • : Le blog de Isabelle OHMANN
  • : Articles sur l'histoire, la philosophie, l'art de différentes civilisations
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Isabelle Ohmann vous présente ce blog culturel pour partager avec vous le fruit de ses recherches.
Elle anime depuis 25 ans des activités culturelles, conférences, stages et séminaires sur des sujets ayant trait à l'histoire, la philosophie et l'art.
Elle intervient dans de nombreuses associations et apporte sa contribution à différentes publications.
Elle anime des voyages culturels vers différentes destinations (voir rubrique spécifique dans ce site).
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Voyages culturels

Isabelle Ohmann accompagne différents voyages culturels :

Florence des Médicis du 20 au 24 février 2010

Pérou, sur les traces des Incas du 2 au 13 avril 2010

Prague, ville magique du 23 au 27 octobre 2010

Pour plus dinformations, consultez les pages de ce blog
27 novembre 2009 5 27 /11 /novembre /2009 21:11

Sans doute le plus célèbre tableau du peintre florentin Botticelli, « Le Printemps » paraît représenter et fêter l’arrivée des beaux jours. Mais inspiré de la philosophie platonicienne, c’est un chef d’œuvre aux significations profondes.

 

 

Au milieu d’un bosquet d’orangers apparaît sur une prairie, Vénus, la déesse de l’amour. Ce décor symbolise sans doute le jardin sacré de la déesse qui était situé, selon la mythologie, dans l’île de Chypre. Le tableau se lit de droite à gauche.

 

Selon le récit d’Ovide, dans le jardin des Hespérides, le dieu du vent, Zéphyr aurait été pris en voyant la nymphe Chloris d’une sauvage passion et l’aurait poursuivie et prise de force pour femme. Mais après s’être repenti de sa fougue, il l’aurait changée en Flore, reine de l’éternel printemps, et lui offrit le royaume des fleurs. Flore est ainsi la déesse de la jeunesse et de la floraison, protectrice de l’agriculture et de la fécondité féminine. Elle sème des fleurs sur la terre, indiquant par là son pouvoir fécondant. Au centre, souveraine de ce bosquet, Vénus se tient un peu à l’arrière, comme si elle voulait laisser passer sa suite devant elle. Au dessus de la déesse, les orangers se referment en demi-cercle, comme une auréole qui entourerait la déesse, et son fils, Eros décoche ses flèches d’amour, les yeux bandés. A gauche nous voyons les trois Grâces, compagnes de Vénus, dansant une ronde pleine de charme.Elles sont suivies de Mercure, le messager des dieux, qui ferme le tableau sur la gauche. Il tient de la main droite son caducée afin d’éloigner les nuages menaçant de pénétrer dans le jardin de Vénus. Il tourne le dos à la composition comme s’il voulait s’en isoler. Mercure est ici le protecteur d’un jardin dans lequel il n’y a pas de nuages et où règne la paix éternelle. La vaillance de Mercure dans sa fonction de gardien du bosquet est illustrée par la présence du sabre à son côté gauche.

 

L’éternel printemps

 

Le jardin est symbole de paix et du printemps éternels. Le tableau reflète toutefois un symbolisme plus subtil. Il symbolise le chemin de l’âme vers le divin : l’entrée de l’âme dans le jardin du monde et son chemin de perfectionnement, de la voie de l’amour sensible à celle de l’amour pur qui conduit à la contemplation des vérités éternelles.

Dans sa composition, le tableau présente deux parties qui s’harmonisent autour de l’axe représenté par Vénus. Ces deux parties illustrent le double visage de Vénus symbole de la dualité de l'âme : Vénus Pandemos attirée par les plaisirs terrestres, et Vénus Ourania qui tend vers la félicité céleste. Ces deux visages de l’amour, amour céleste et amour profane, sont représentés par les deux triptyques du tableau qui décrit les métamorphoses de l’amour qui se déploient dans le jardin de Vénus.

 

Zéphyr, Chloris et Flora

Dieu du vent, Zéphyr pénètre plutôt violemment dans le jardin au point que les arbres ploient. Il gonfle puissamment ses joues pour en faire sortir des souffles chauds. Il poursuit la nymphe habillée de voiles transparents, et qui le regarde avec effroi. Il symbolise la passion débridée. Botticelli a représenté la métamorphose de la nymphe Chloris en Flora, comme un changement de nature : la naïve Chloris est transformée en beauté victorieuse, comme fruit de la réunion de la passion et de la pureté.

 

Dans une autre clé, selon l’orphisme, l’âme entre dans l’univers, portée par les vents. Zéphyr, le ténébreux, s’introduit dans le jardin du monde et y fait entrer l’âme/Chloris, l’étoile céleste, tout en semblant la retenir, comme l’amour passionnel ralentit l’avancée vers le monde céleste.

 

Flore, l’âme-fleur est la figure de la beauté terrestre, qui n’est pas seulement belle elle-même, mais qui, en semant ses roses, embellit le monde. Flore représente la seconde Vénus, la Vénus terrestre ou Vénus pandemos. C’est la mère de la vie.

 

Vénus

 

Loin d’être l’incarnation de l’amour charnel, Vénus, comme axe du tableau, symbolise l’idéal humaniste de l’amour spirituel qui, avec l’ascèse de l’âme, permet son élévation vers les hauteurs de l’intelligence pure. Telle la Diotime du Banquet de Platon elle montre la voie de la beauté et de l’amour célestes.

 

Selon Platon, la communion entre les mortels et les dieux s'établit par la médiation de l'Amour (1) . Cet Amour est personnifié par Vénus au centre d'un processus qui relie les dieux et les hommes, rythmé en trois temps : l'émanation, qui est la création, la conversion ou le rapt, qui produit une extase vivifiante d'où jaillit l'Amour, et la réintégration ou perfectionnement, qui permet le retour au ciel et la réunion avec les dieux. Comme le disait Jorge Livraga, Botticelli présente Vénus «qui domine le passé, le présent et le futur. C'est l'axe central. C'est l'Amour platonicien qui domine tout ce qui est manifesté et se concrétise selon les besoins et le degré de conscience de chacun ».

 

Vénus lève la main vers les trois Grâces en signe de modération. Déesse de la concorde et de l’harmonie, Vénus est représentée, dans le néo-platonisme renaissant, comme une déesse bienfaisante, paisible et mesurée. Elle semble enceinte, comme pleine de l’harmonie du monde.

 

Les trois Grâces

 

Les trois grâces représentent les trois visages de l’amour. Selon la clé chrétienne, elles sont les vertus théologales : Foi, espérance et Charité. Dans la clé néoplatonicienne, ce triptyque présente Pulchritud-Amor(Castitas)-Voluptas, la Beauté, l'Amour (chaste), le Plaisir. Selon Ficin « l'amour commence par la beauté et se termine en plaisir. » Dans l’itinéraire qui comble l’âme, l’art est le premier degré par le plaisir de la beauté, et la joie de la contemplation est le dernier degré de ravissement de l’amour sacré.

 

La première Grâce est Beauté. Dans l'art de la Renaissance, la place de la Beauté est centrale, tenant un rôle quasi mystique. Les artistes et les poètes ont la faculté prophétique de voir le Beau et ainsi exciter l'amour de la connaissance. C'est par l'expérience de la Beauté, reflet de Dieu que l'on parvient à s'élever à la vision du divin. "La beauté du monde est la splendeur du visage de Dieu" dit Ficin. Selon l’enseignement platonicien, le philosophe doit extraire de la beauté sensible ce qui doit favoriser l’ardeur de l’amour supérieur. La Beauté est aussi, selon l’enseignement platonicien contenu dans le Phèdre, la seule représentation qui peut éveiller dans notre âme la réminiscence des beautés célestes qu’elle a contemplées avant son entrée dans le monde. C’est pourquoi, pour les philosophes de la Renaissance, la Beauté est spirituelle.

 

L’amour et le plaisir

 

La grâce du centre, est  l’Amour. On l’identifie également à la Chasteté. C’est l’amour pur, non souillé de désir sensuel, car seul l’amour chaste conduit à la vraie jouissance de la beauté. Elle se distingue des autres en ne portant aucune parure.

Elle nous tourne le dos, pour marquer que la conversion aux choses divines implique de se détourner de ce monde pour s'ouvrir au Tout Autre. Cette fonction de médiateur de l'Amour correspond à la définition donnée par Platon dans le Banquet, à savoir que « l'Amour est le Désir éveillé par la Beauté. » Seule la force vivifiante de l'Amour peut parvenir à unir les contraires, si l'Amour contemple le Tout Autre.

La troisième grâce est le Plaisir. Le plaisir n’est pas la volupté sensuelle, mais au contraire, représente la joie, ultime but du philosophe, qu'il doit conquérir par cette contemplation du Tout Autre. Cette joie (l'eudaimonia des anciens) est le bien suprême.

 

Cupidon

 

Cupidon est le fils de la Vénus céleste et décoche ses flèches sur Amour/chasteté. Dans la mystique de la Renaissance, Cupidon va inspirer à l’amour chaste un désir éveillera la volonté assoupie de l’âme et la propulsera dans sa quête. Ce sera une fureur héroïque qui conduira l’âme vers le supérieur. Ses yeux sont bandés car selon Pic de la Mirandole « Orphée dit que l'amour est 'sans yeux' parce qu'il est au-delà de l'intellect ». Pour connaître la nature divine de l'âme immortelle cachée au fond de soi, il faut développer un regard intérieur, symbolisé par les artistes de la Renaissance, comme un aveuglement physique.

 

Mercure

 

Situé à la fin du tableau, Mercure annonce le but ultime du voyage d’amour. Par son caducée brandi vers le ciel, il invite à la vision extatique qui s’obtient par l’union avec l’esprit.

 

Par tradition Mercure est le guide et l’escorte des Grâces. « L'intelligence suit le plaisir, qui est le bien suprême, le plus authentique et le plus durable. » dit Pic de la Mirandole. Car ce sont les sentiments supérieurs, tels la joie authentique, qui permettent l’éclosion de la sagesse, c'est-à-dire l’intelligence qui guide la personnalité humaine. Mercure chasse les nuages de la pensée et dissipe les troubles mentaux nés des passions ombrageuses, et les « sottes opinions ». Mercure est aussi le mystagogue, celui qui permet de pénétrer les connaissances secrètes : révéler les mystères, c’est ôter les voiles tout en préservant leur opacité en sorte que la vérité puisse pénétrer et non pas éblouir.

 

En montrant la lumière divine cachée dans les nues, et tournant le dos au monde pour contempler l’au-delà, Mercure poursuit l’action des Grâces amorcée dans leur danse. Il est le guide de l’esprit, symbolisé par les flammes renversées qui figurent sur sa toge.

 

Un cycle complet

Mais la composition est un véritable cycle dans lequel Mercure et Zéphyr se rejoignent.

Tourner le dos au monde avec le détachement de Mercure et retrouver le monde avec l’impétuosité de Zéphyr telles sont les deux forces complémentaires de l’amour, dont Vénus est la gardienne et Cupidon l’agent.

Souffle et esprit étant une seule et même chose, le souffle printanier de Zéphyr (qui dans son aspect sauvage peut aussi être identifié à un satyre ou à Pan, sorte de Mercure terrestre) et l’esprit de Mercure représentent deux phases d’un processus récurrent. Celui qui descend sur terre sous la forme du souffle de la passion, retourne au ciel dans l’esprit de la contemplation.

 

Ainsi se dessine le trajet essentiel dans la métamorphose de l’âme du philosophe, l’amoureux de la sagesse, qui, éveillé par la Beauté, doit faire l’unité en lui pour atteindre sa quête de la vérité.

 

 

(1)  voir l’article « L’amour dans le Banquet de Platon » dans notre revue n°188 p 20

 

 

 

Sans doute le plus célèbre tableau du peintre florentin Botticelli, « Le Printemps » paraît représenter et fêter l’arrivée des beaux jours. Mais inspiré de la philosophie platonicienne, c’est un chef d’œuvre aux significations profondes.

 

Texte

Au milieu d’un bosquet d’orangers apparaît sur une prairie, Vénus, la déesse de l’amour. Ce décor symbolise sans doute le jardin sacré de la déesse qui était situé, selon la mythologie, dans l’île de Chypre. Le tableau se lit de droite à gauche.

 

Selon le récit d’Ovide, dans le jardin des Hespérides, le dieu du vent, Zéphyr aurait été pris en voyant la nymphe Chloris d’une sauvage passion et l’aurait poursuivie et prise de force pour femme. Mais après s’être repenti de sa fougue, il l’aurait changée en Flore, reine de l’éternel printemps, et lui offrit le royaume des fleurs. Flore est ainsi la déesse de la jeunesse et de la floraison, protectrice de l’agriculture et de la fécondité féminine. Elle sème des fleurs sur la terre, indiquant par là son pouvoir fécondant. Au centre, souveraine de ce bosquet, Vénus se tient un peu à l’arrière, comme si elle voulait laisser passer sa suite devant elle. Au dessus de la déesse, les orangers se referment en demi-cercle, comme une auréole qui entourerait la déesse, et son fils, Eros décoche ses flèches d’amour, les yeux bandés. A gauche nous voyons les trois Grâces, compagnes de Vénus, dansant une ronde pleine de charme.Elles sont suivies de Mercure, le messager des dieux, qui ferme le tableau sur la gauche. Il tient de la main droite son caducée afin d’éloigner les nuages menaçant de pénétrer dans le jardin de Vénus. Il tourne le dos à la composition comme s’il voulait s’en isoler. Mercure est ici le protecteur d’un jardin dans lequel il n’y a pas de nuages et où règne la paix éternelle. La vaillance de Mercure dans sa fonction de gardien du bosquet est illustrée par la présence du sabre à son côté gauche.

 

L’éternel printemps

 

Le jardin est symbole de paix et du printemps éternels. Le tableau reflète toutefois un symbolisme plus subtil. Il symbolise le chemin de l’âme vers le divin : l’entrée de l’âme dans le jardin du monde et son chemin de perfectionnement, de la voie de l’amour sensible à celle de l’amour pur qui conduit à la contemplation des vérités éternelles.

Dans sa composition, le tableau présente deux parties qui s’harmonisent autour de l’axe représenté par Vénus. Ces deux parties illustrent le double visage de Vénus symbole de la dualité de l'âme : Vénus Pandemos attirée par les plaisirs terrestres, et Vénus Ourania qui tend vers la félicité céleste. Ces deux visages de l’amour, amour céleste et amour profane, sont représentés par les deux triptyques du tableau qui décrit les métamorphoses de l’amour qui se déploient dans le jardin de Vénus.

 

Zéphyr, Chloris et Flora

Dieu du vent, Zéphyr pénètre plutôt violemment dans le jardin au point que les arbres ploient. Il gonfle puissamment ses joues pour en faire sortir des souffles chauds. Il poursuit la nymphe habillée de voiles transparents, et qui le regarde avec effroi. Il symbolise la passion débridée. Botticelli a représenté la métamorphose de la nymphe Chloris en Flora, comme un changement de nature : la naïve Chloris est transformée en beauté victorieuse, comme fruit de la réunion de la passion et de la pureté.

 

Dans une autre clé, selon l’orphisme, l’âme entre dans l’univers, portée par les vents. Zéphyr, le ténébreux, s’introduit dans le jardin du monde et y fait entrer l’âme/Chloris, l’étoile céleste, tout en semblant la retenir, comme l’amour passionnel ralentit l’avancée vers le monde céleste.

 

Flore, l’âme-fleur est la figure de la beauté terrestre, qui n’est pas seulement belle elle-même, mais qui, en semant ses roses, embellit le monde. Flore représente la seconde Vénus, la Vénus terrestre ou Vénus pandemos. C’est la mère de la vie.

 

Vénus

 

Loin d’être l’incarnation de l’amour charnel, Vénus, comme axe du tableau, symbolise l’idéal humaniste de l’amour spirituel qui, avec l’ascèse de l’âme, permet son élévation vers les hauteurs de l’intelligence pure. Telle la Diotime du Banquet de Platon elle montre la voie de la beauté et de l’amour célestes.

 

Selon Platon, la communion entre les mortels et les dieux s'établit par la médiation de l'Amour (1) . Cet Amour est personnifié par Vénus au centre d'un processus qui relie les dieux et les hommes, rythmé en trois temps : l'émanation, qui est la création, la conversion ou le rapt, qui produit une extase vivifiante d'où jaillit l'Amour, et la réintégration ou perfectionnement, qui permet le retour au ciel et la réunion avec les dieux. Comme le disait Jorge Livraga, Botticelli présente Vénus «qui domine le passé, le présent et le futur. C'est l'axe central. C'est l'Amour platonicien qui domine tout ce qui est manifesté et se concrétise selon les besoins et le degré de conscience de chacun ».

 

Vénus lève la main vers les trois Grâces en signe de modération. Déesse de la concorde et de l’harmonie, Vénus est représentée, dans le néo-platonisme renaissant, comme une déesse bienfaisante, paisible et mesurée. Elle semble enceinte, comme pleine de l’harmonie du monde.

 

Les trois Grâces

 

Les trois grâces représentent les trois visages de l’amour. Selon la clé chrétienne, elles sont les vertus théologales : Foi, espérance et Charité. Dans la clé néoplatonicienne, ce triptyque présente Pulchritud-Amor(Castitas)-Voluptas, la Beauté, l'Amour (chaste), le Plaisir. Selon Ficin « l'amour commence par la beauté et se termine en plaisir. » Dans l’itinéraire qui comble l’âme, l’art est le premier degré par le plaisir de la beauté, et la joie de la contemplation est le dernier degré de ravissement de l’amour sacré.

 

La première Grâce est Beauté. Dans l'art de la Renaissance, la place de la Beauté est centrale, tenant un rôle quasi mystique. Les artistes et les poètes ont la faculté prophétique de voir le Beau et ainsi exciter l'amour de la connaissance. C'est par l'expérience de la Beauté, reflet de Dieu que l'on parvient à s'élever à la vision du divin. "La beauté du monde est la splendeur du visage de Dieu" dit Ficin. Selon l’enseignement platonicien, le philosophe doit extraire de la beauté sensible ce qui doit favoriser l’ardeur de l’amour supérieur. La Beauté est aussi, selon l’enseignement platonicien contenu dans le Phèdre, la seule représentation qui peut éveiller dans notre âme la réminiscence des beautés célestes qu’elle a contemplées avant son entrée dans le monde. C’est pourquoi, pour les philosophes de la Renaissance, la Beauté est spirituelle.

 

L’amour et le plaisir

 

La grâce du centre, est  l’Amour. On l’identifie également à la Chasteté. C’est l’amour pur, non souillé de désir sensuel, car seul l’amour chaste conduit à la vraie jouissance de la beauté. Elle se distingue des autres en ne portant aucune parure.

Elle nous tourne le dos, pour marquer que la conversion aux choses divines implique de se détourner de ce monde pour s'ouvrir au Tout Autre. Cette fonction de médiateur de l'Amour correspond à la définition donnée par Platon dans le Banquet, à savoir que « l'Amour est le Désir éveillé par la Beauté. » Seule la force vivifiante de l'Amour peut parvenir à unir les contraires, si l'Amour contemple le Tout Autre.

La troisième grâce est le Plaisir. Le plaisir n’est pas la volupté sensuelle, mais au contraire, représente la joie, ultime but du philosophe, qu'il doit conquérir par cette contemplation du Tout Autre. Cette joie (l'eudaimonia des anciens) est le bien suprême.

 

Cupidon

 

Cupidon est le fils de la Vénus céleste et décoche ses flèches sur Amour/chasteté. Dans la mystique de la Renaissance, Cupidon va inspirer à l’amour chaste un désir éveillera la volonté assoupie de l’âme et la propulsera dans sa quête. Ce sera une fureur héroïque qui conduira l’âme vers le supérieur. Ses yeux sont bandés car selon Pic de la Mirandole « Orphée dit que l'amour est 'sans yeux' parce qu'il est au-delà de l'intellect ». Pour connaître la nature divine de l'âme immortelle cachée au fond de soi, il faut développer un regard intérieur, symbolisé par les artistes de la Renaissance, comme un aveuglement physique.

 

Mercure

 

Situé à la fin du tableau, Mercure annonce le but ultime du voyage d’amour. Par son caducée brandi vers le ciel, il invite à la vision extatique qui s’obtient par l’union avec l’esprit.

 

Par tradition Mercure est le guide et l’escorte des Grâces. « L'intelligence suit le plaisir, qui est le bien suprême, le plus authentique et le plus durable. » dit Pic de la Mirandole. Car ce sont les sentiments supérieurs, tels la joie authentique, qui permettent l’éclosion de la sagesse, c'est-à-dire l’intelligence qui guide la personnalité humaine. Mercure chasse les nuages de la pensée et dissipe les troubles mentaux nés des passions ombrageuses, et les « sottes opinions ». Mercure est aussi le mystagogue, celui qui permet de pénétrer les connaissances secrètes : révéler les mystères, c’est ôter les voiles tout en préservant leur opacité en sorte que la vérité puisse pénétrer et non pas éblouir.

 

En montrant la lumière divine cachée dans les nues, et tournant le dos au monde pour contempler l’au-delà, Mercure poursuit l’action des Grâces amorcée dans leur danse. Il est le guide de l’esprit, symbolisé par les flammes renversées qui figurent sur sa toge.

 

Un cycle complet

Mais la composition est un véritable cycle dans lequel Mercure et Zéphyr se rejoignent.

Tourner le dos au monde avec le détachement de Mercure et retrouver le monde avec l’impétuosité de Zéphyr telles sont les deux forces complémentaires de l’amour, dont Vénus est la gardienne et Cupidon l’agent.

Souffle et esprit étant une seule et même chose, le souffle printanier de Zéphyr (qui dans son aspect sauvage peut aussi être identifié à un satyre ou à Pan, sorte de Mercure terrestre) et l’esprit de Mercure représentent deux phases d’un processus récurrent. Celui qui descend sur terre sous la forme du souffle de la passion, retourne au ciel dans l’esprit de la contemplation.

 

Ainsi se dessine le trajet essentiel dans la métamorphose de l’âme du philosophe, l’amoureux de la sagesse, qui, éveillé par la Beauté, doit faire l’unité en lui pour atteindre sa quête de la vérité.

 

 

(1)  voir l’article « L’amour dans le Banquet de Platon » dans notre revue n°188 p 20

 

 

Vous pouvez librement citer ou copier cet article en mentionnant :
article rédigé par Isabelle Ohmann - isabelle.ohmann.over-blog.com

 

 

 

 

 

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commentaires

N
Merci beaucoup pour cette étude approfondie du tableau et c'est quelques références philosophiques très intéressante.
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